Indignez-vous

Mes collègues du Monde consacrent un article à la frilosité de notre société. Son titre n'est guère enthousiasmant :  « Après les trente glorieuses et les trente piteuses, les trente frileuses ? » Le débat sur l'identité nationale et celui sur la retraite traduirait des envies de repli sur soi, de retrait, d'abandon. Les tentatives de promouvoir une société du « care », en français « prendre soin mutuellement », peinent à s'imposer. Elles pourraient être aussi comprises comme le désir de se faire cocooner, plutôt que de  soulager la souffrance des autres (de son prochain, dirait-on chez les chrétiens).

Pour ma part, j'ai surtout connu les trente piteuses et l'idée d'attaquer sur trente frileuses ne m'enchante guère. Est-on si certain d'en prendre pour trente ans de morosité ? Mon épouse m'a apporté hier soir le best-seller de cet automne. Il est rédigé par un monsieur de 93 ans, Stéphane Hessel, résistant de toujours. Au total, vingt-quatre pages seulement. Un titre en forme d'appel : « Indignez-vous ! » Aux dernières nouvelles, il s'en serait vendu cent mille exemplaires ! Je me dis que tout n'est pas perdu. 

J'aime bien cette idée qu'avant de trouver des solutions, il est bon de s'indigner, de s'autoriser à sentir cette colère, cette exaspération. Je me sens indigné et je le ressens et je l'exprime. Il y a toujours un risque à anesthésier cette capacité-là, qui est aussi physique. En cette période de l'avent où nous préparons à fêter la naissance de Dieu fait homme, cette invitation me touche. Le Christ a su s'indigner, avec les marchands du temple ! Bonne entrée dans l'avent, bonne indignation.