Vie méritée, vie reçue : beau programme de fin de carême
J’intervenais mardi dernier au centre du Hautmont sur l’estime de soi. J’ai essayé de montrer que cette estime pouvait grandir si nous arrêtions de vouloir contrôler notre existence.
Plus nous souhaitons contrôler notre vie, plus nous risquons de l'enfermer dans de l’imaginaire. Tout doit advenir selon le schéma idéal que nous avons conçu. Notre volonté saurait ce qu'est une vie bonne. Nous pouvons ainsi aller de défi en défi comme nous construisons un château, une belle demeure. Nous découpons notre projet en plusieurs séquences. C’est comme si vivre revenait à enchaîner les projets, édifier les fondations puis les murs et enfin les finitions de notre propre existence. Nous ne recevons pas la vie, nous la tenons à bout de bras, avec l’énergie de notre jeunesse au début, de notre envie de bien faire ensuite, la peur de ne plus faire partie du jeu enfin.
Ce n’est pas une vie qui se reçoit, comme un don. C’est une vie qui se mérite, toujours comme suspendue à une approbation, à un passage, une réussite. Avec la peur qu’elle s'effondre du jour au lendemain. Combien de temps tenons-nous ainsi dans ce désir d’obtenir un droit de vivre, un passeport pour une reconnaissance éternelle ? Aucune réussite ne sera jamais à la hauteur de cette quête inconsciente, aucune preuve ne sera jamais jugée à la hauteur de cette vie à conquérir. Notre volonté ne semble jamais assez forte pour cela. D’autant que tout échec vient renforcer cette croyance que la bonne vie a été donnée aux rivaux, même s’ils semblent parfois moins méritants.
Cette quête a toujours existé. Mais notre époque aurait tendance à l’encourager, nous vivons dans une période qui survalorise la figure du battant, celui qui à la force des poignées réinvente chaque jour son poste, relève chaque semaine de nouveaux défis, à cette souplesse qui lui permet encore et encore de s’adapter aux demandes du client, de son chef, du marché, de la nécessité de produire à moindre coût.
Ce combat nous empêche de percevoir la vie comme un don, qui est dispensé même dans l’épreuve, au coeur même de ce qui semble parfois des impasses. Même si ce n’est pas comme nous l’avons imaginé. C’est peut être cela le travail du carême à effectuer. Passer moins en force, recevoir davantage.
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